Interview de Mickaël Berthon, retour sur son exploit au GR5

Interview de Mickaël Berthon, retour sur son exploit au GR5

Présentation de Mickaël Berthon :

Ultra-traileur passionné et ambassadeur Raidlight, son dernier défi : parcourir l’intégralité du GR5, soit 2 163,55 km avec 61 819 mètres de dénivelé positif et négatif.

Projet nommé Sea to sea, de la mer du Nord à la Méditerranée, une première qu’il a d’ailleurs accompli avec brio en 29 jours, 22h et 39 min !

Cet échange avec Mickaël est riche en retour d’expérience et conseils en tout genre, que vous soyez débutant ou confirmé, vous allez enrichir vos connaissances humaines et sportives.

Retour sur une partie de son palmarès :

  • Traversée du GR20 en Corse du Sud au Nord en autonomie, juin 2015
    • 6 jours pour 190km et 14 000 mètres de dénivelé positif
  • Finisher des trois courses de l’Echappée Belle
    • 2016 Parcours des Crêtes 62km
    • 2017 Traversée Nord 84km
    • 2019 L’intégrale 149km
  • Finisher de la Diagonale des fous (Réunion) 165 km Octobre 2021
  • Finisher du Grand Raid des Pyrénées 220 km août 2021
  • 1er de l'Infernal trail des Vosges, septembre 2021

    • 200 km 10 000 mètres de dénivelé positif, en autonomie
  • 2ème sur le Red Dirt Ultra 100 miles aux Etats-Unis, février 2022
    • 160km 2500 mètres de D+
    • 1er du Challenge Val de Drôme mai 2022
      • 136kms+42kms à enchainer en 2 jours
      •  Fun Run (3 tours) sur la Chartreuse Terminorum juin 2022
        • Un des 5 finishers de la course que personne n’a jamais terminé

       

      Question : 1 Pour débuter cet échange, peux-tu te présenter et présenter ton parcours en quelques mots.

      Mickaël, 34 ans, Isérois (38), j’exerce en tant qu’Accompagnateur en montagne et entraîneur de trail. Je me suis mis au trail il y a 7 ans, très vite attiré par les très grandes distances et l’aventure qu’elles me permettent de vivre, que ça soit en compétition ou non.

      J’ai toujours été amoureux des grands espaces et j’adore me retrouver en immersion dans la nature. En sortant de l’armée en 2014, j’ai découvert que des gens couraient en montagne, ce qui m’a tout de suite intrigué. J’ai vite découvert que ma rusticité, ma force mentale et une excellente connaissance de mon corps étaient des atouts dans les ultras distances, catégorie dans laquelle je m’épanouis le plus et qui est clairement devenue une passion dévorante. J’ai toujours été autodidacte dans la discipline, fervent croyant qu’il faut faire pour être et que rien ne remplace l’expérience.

       

      Question 2 : Tu viens d’établir un premier temps record sur l’intégralité du GR5, comment te sens-tu suite à cette traversée ? 

      Je vais bien et j’ai un sentiment de mission accomplie ! J’ai un peu plus dormi qu’à l’habitude pendant 10 jours, ce qui est normal. Il est important d’écouter son corps, mais physiquement mes dernières blessures se pansent d’elles-mêmes et j’ai pu recourir tout de suite après. Evidemment je reprends progressivement avec de petites sorties mais le corps et l’âme ont déjà très envie de repartir sur de nouveaux projets !

       

      Question 3 : Un tel défi doit être préparé des mois à l’avance, tant sur le plan physique et psychologique que sur l’organisation en elle-même. Comment as-tu géré la logistique globale et plus particulièrement l’aspect matériel et nutrition sur cette course ?

      Ce GR5, c’est 2 ans de préparation mentale et d’engagement envers moi-même et les autres.

      Au niveau logistique, j’avais un gros point fort, ma compagne et mon père m’ont suivi avec mon camping-car pendant l’intégralité de la traversée. C’était un peu comme rentrer à la maison chaque soir, avoir à disposition tout mon matériel et en changer selon les conditions météorologiques du jour. Avoir des personnes pour m’assister, disponibles rien que pour moi, c’était le grand luxe.

      Grâce à mon expérience du long, je savais tout à fait quoi emporter avec moi, dans mon sac ou mon short Raidlight.

      Au niveau nutrition, je connaissais déjà mes besoins pour être autonome sur une journée de course. Ce qui a été nouveau, c’était de réitérer 30 fois cet effort d’affilée avec les besoins énergétiques en conséquence, ce qui correspondait à environ 3 fois les besoins d’un homme avec une activité physique « normale ». Nous avons donc beaucoup travaillé sur ce point avec Fiona, ma compagne ; et Marion une amie nutritionniste, afin d’optimiser mes apports sans surcharger le système digestif, avec par exemple la prise de shaker de fruits ou légumes, choses nouvelles pour moi. Je dois dire que c’est une de mes plus grandes satisfactions, quand on sait que c’est un élément déterminant dans les efforts de longues distances, tout à vraiment bien fonctionné.

       

      Question 4 : Nous savons que tu as traversé de multiples péripéties sur ce GR5, une météo très capricieuse, des problèmes de tracé et de multiples douleurs. Quels sont tes meilleurs et pires souvenirs de la course ?

      Les meilleurs souvenirs sont les moments de partage, que ce soit avec mon assistance, les amis qui m’ont rejoint sur le parcours, toutes les personnes qui m’ont soutenu et encouragé.

      Mais ce sont aussi toutes ces heures de solitude que j’aime tant. Les deux créent un équilibre parfait. Partir d’une mer pour en rejoindre une autre, c’est aussi une variété de paysage extrêmement riche que je garde en tête, malgré le fait que j’ai parcouru presque la moitié de ce GR5 sous la pluie. Cela fait partie des règles du jeu et ne gâche aucunement le plaisir, bien au contraire, cela le rend encore plus authentique.

      Je n’ai pas de « pires » souvenirs mais des moments durs, comme lorsque j’ai commencé à perdre mes doigts dans une tempête dans le Jura, ou lorsque je n’arrivais plus à courir dû à des inflammations trop douloureuses. Je n’ai jamais pensé à abandonner, mais dans ces moments-là le temps nous parait forcément plus long et l’énergie à fournir plus importante pour rester mobiliser.

       

      Question 5 : C’est la première fois que tu te lances sur une course d’une telle envergure, qu’en as-tu appris ?

      J’ai pu valider le fait que c’était fait pour moi ! J’ai aimé ça, je pensais que j’aimais ça, mais le vivre me l’a véritablement confirmé. C’était une première et j’ai déjà en tête plein de paramètre que je pourrais améliorer lors d’une prochaine tentative de cette envergure. J’aime avoir l’impression d’élargir ma zone de confort, d’apprendre de nouvelles choses et de sortir plus fort des challenges que je me lance.

      Alors évidemment cela demande beaucoup d’investissement, pendant la traversée mais surtout en amont, dans sa préparation et puis il y a l’aspect financier. Je remercie d’ailleurs Raidlight pour son aide matériel, sans cela, ça aurait été encore plus compliqué.

      J’ai aussi appris qu’il était possible de faire encore mieux que ce 1er temps et j’espère que quelqu’un se lancera à son tour pour tenter d’améliorer ce record et je serai même ravi de l’aider.

       

      Question 6 : Tu es présent sur différents formats de courses, du trail court à l’ultra trail et même aux GR sur plusieurs jours, quel format vas-tu privilégier par la suite et quels sont tes prochains objectifs ?

      Il y a encore beaucoup de courses d’ultra-trail qui me font rêver et que j’aimerai courir. Je pense au TOR que je souhaiterais tenter de remporter un jour, si je trouve les financements pour me présenter sur la ligne de départ.

      Je continuerai de m’aligner sur différents formats en compétition selon mes envies mais ma motivation principale reste de vivre des aventures exigeantes, authentiques et immersives. Celles où une grande part d’autonomie est requise, comme cette traversée du GR5, pour moi, c’est l’essence même du trail-running et je veux y rester fidèle.

      En février 2023, je courrai le Legend Trail 250 dans les Ardennes Belges, une course sans balisage réputée pour ses conditions climatiques difficiles. J’ai évidemment de grosses ambitions sur cette course mais il faut savoir rester humble dans notre discipline, tellement de facteurs rentrent en jeu que rien n’est joué d’avance, c’est ce qui est passionnant. On grandit toujours, peu importe le classement.

      En juin, j’espère être de nouveau sélectionné pour la Chartreuse Terminorum, la course d’une vie. Je consacre beaucoup de mon année à trouver la solution pour être l’un des premiers, voir le premier à finir cette course.

      Au-delà de ça, j’ai déjà quelques idées de records que j’aimerais tenter d’améliorer dans les années à venir. Mais laissez-moi savourer celui-là avant de vous dévoiler la suite ;-)

      Questions 7 : Enfin, nous sommes tout ouïe pour recueillir tes derniers petits conseils et astuces pour les lecteurs passionnés de trail qui nous lisent.

      Le premier conseil que je donnerais à tout traileur qui veut s’améliorer c’est d’expérimenter ! Soyez curieux et ne rester pas sur vos préjugés, vos acquis, ni même de terrain de jeu.

      Le deuxième qui rejoint le premier c’est que nous sommes tous différents et que ce qui fonctionne chez l’un, ne fonctionnera pas forcément chez l’autre, fuyez le mimétisme, découvrez-vous !

      Mon 3ème conseil, le plaisir doit toujours être votre moteur principal, courez par amour et non par ambition.

      Astuce pour la longue distance : créez-vous une routine de course et découpez votre objectif en plusieurs parties. Prendre le départ d’une course avec comme seule idée, celle d’atteindre la ligne d’arrivée ne vous suffira pas. J’ai personnellement des mini objectifs à chaque heure de course, cela peut être de manger quelque chose, regarder la distance déjà parcourue ou encore, atteindre des points intermédiaires durant la course (ravitos, beaux points de vue, passages techniques ou au contraire plus roulants).

       

      Merci Mickaël d’avoir partagé avec nous vos retours et conseils à la suite de votre incroyable aventure. Toute l’équipe de Raidlight est fière de vous accompagner et vous félicite. On ne peut que vous souhaiter de vivre de nouveaux défis, tout aussi enrichissants.
      Merci, je conclurais simplement en remerciant Raidlight de nous permettre de vivre et de partager l'expérience trail running 😉

      1 commentaire


      • Monique Pellet

        Un immense bravo à Mickaël pour avoir terminé le Chartreuse Terminorum, en deuxième place, et beaucoup d’admiration pour ce sportif très sympathique.
        De la part des 2 mamies rencontrées au sommet de la Scia, le lundi précédent le trail.